Le plan d’intervention

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C’est à la fois appréhensif et joyeux, sous ta jupe et curieux, grand en dehors et petit en dedans, que ton enfant a passé les grandes portes de cette nouvelle école à l’automne. Il y travaille déjà depuis quelques mois et tu es témoin de ses efforts. Pourtant, les difficultés scolaires s’accumulent et il est de plus en plus difficile de trouver les bons mots pour l’encourager. Tu as entendu parler de la possibilité d’avoir un plan d’intervention, mais tu ne sais pas trop c’est quoi. Espérant voir la lumière dans ses yeux s’allumer et observer son torse se bomber de fierté, tu enchaînes les « ça va bien aller » et les « tu es capable ». Ces phrases sortent de ta bouche avec une tendre conviction, mais au fond de toi, il y a une petite voix qui te crie que ça prendra plus que ça.  

Plan d'intervention
Crédit photo: Pixabay

Avant d’en arriver au plan d’intervention.

Bientôt la fin de la deuxième étape. Tu prendras rendez-vous avec l’enseignante qui a, de son propre chef, déjà pris plusieurs initiatives pour aider ton petit. Dès les premières semaines, elle a ciblé ses difficultés et elle a tout fait pour l’aider… ainsi qu’aider le tannant Thomas, ramener à l’ordre la petite pie Emma et constamment faire des pieds et des mains pour garder l’attention du lunatique Nicolas. Essoufflée juste à lire ça? Imagine l’enseignante…

En dedans d’elle aussi, il y a une petite voix qui crie parce qu’elle a la réussite de ton enfant à coeur et elle aussi carbure devant l’étincelle dans ses yeux. Lors de cette rencontre, elle te confirmera que pour voir la lumière dans son regard et observer son torse se bomber de fierté, ça prendra plus que ça. C’est peut-être elle la professionnelle de l’enseignement, mais sans l’aide des parents, elle n’y arrivera pas. Vous devez faire équipe, communiquer et ramer dans le même sens. C’est à ce moment que viendra sur le sujet le fameux plan d’intervention, le P.I. pour les intimes.

Le plan d’intervention : qu’est-ce que c’est?

Le plan d’intervention est un document dans lequel sera communiqué un ensemble de mesures qui auront pour but de guider ou d’encadrer de façon plus personnalisée les efforts scolaires de ton enfant selon ses forces, ses défis et ses besoins à lui. Telle une bouée de sauvetage, une fois qu’il sera communiqué, tous auront l’impression de respirer la tête hors de l’eau.

Cependant, le plan d’intervention n’est pas une panacée. Il faudra les efforts de bien des intervenants pour qu’il en ressorte des résultats positifs. Maman de deux grands enfants… Deux P.I.  Ça m’en a pris du temps à comprendre que tu as beau avoir une bouée, il va tout de même falloir patauger fort et sans cesse pour traverser ce long fleuve qui n’a rien de tranquille… (et sur lequel le soleil se lève quotidiennement à forces de petites réussites – redis-toi ça à tous les jours, n’oublie pas!).

Le plan d’intervention est victime d’un paradoxe. 

Le plan d’intervention est un outil de mesures personnalisées à mettre en pratique dans une classe où les façons d’enseigner sont adaptées à un groupe. Il prône la valorisation de l’unicité d’un élève dans un contexte où l’on prêche par le travail d’équipe. Le plan d’intervention respecte le rythme de chacun dans un groupe où l’on impose l’inclusion de tous les enfants, les p’tits vites comme les plus lents. Il vise l’accroissement de l’autonomie de l’enfant en l’encadrant davantage. L’objectif ultime : il faut tous atteindre les mêmes compétences en juin. On jase là…

Tout dépendant de la forme que l’école lui donnera, on retrouvera dans le plan d’intervention une liste de mesures pédagogiques et comportementales à cocher selon les besoins de l’enfant et ses objectifs d’amélioration.  Le temps pour faire les évaluations (l’enfant bénéficie de 1/3 de temps de plus que les autres pour faire ses évaluations. Par exemple, une évaluation de 45 minutes normalement donnera droit à 15 minutes de plus à l’élève bénéficiant d’un p.i., soit soixante minutes pour faire l’évaluation), l’assignation d’une place à l’avant de la classe près du professeur, le droit d’aller marcher dans le couloir pour se calmer, l’utilisation supervisée de l’agenda, rencontre mensuelle avec le psychoéducateur, etc. sont autant de mesures que l’on retrouvera dans le plan d’intervention.

Le plan d’intervention est-il vraiment personnalisé?

On ne peut pas être contre la vertu, mais toutes ces mesures ne sont bien souvent qu’un plaster sur un bobo difficile à soigner. Il y est inscrit une liste de mesures d’aide prédéfinies, offertes par l’école, qui répondent à la majorité des besoins. C’est bon pour certains, mais pour le petit anxieux, ce n’est pas d’un tiers de temps de plus qu’il a besoin, mais bien d’une paire de yeux bienveillants pour que, pendant l’examen, un regard lui confirme que tout va bien. Et ça, parmi la liste des mesures d’aide, on ne peut pas le cocher.

Comme parent et enseignante, il est facile de constater que les besoins sont criants et de plus en plus nombreux. Paradoxalement, les plans d’intervention personnalisés sont de plus en plus standardisés. Ils se ressemblent tous. Ils se composent souvent d’une même série de mesures d’aide pré-mâchées qu’on offre à ceux qui ne s’adaptent pas aux méthodes traditionnelles.

Au fond, les méthodes traditionnelles, que valent-elles en 2020? Peut-être sont-elles désuètes. Dans un monde où l’on offre la télé à la carte, les menus sans gluten ou végé, des programmes d’études spécialisés, le plan d’intervention personnalisé deviendrait-il la nouvelle norme dans cette société de « sur mesure »?

Le plan d’intervention et la charge de travail du professeur. 

Imagine-toi aller à la Ronde avec trois enfants de six ans. Si tous ont les mêmes goûts et les mêmes envies, tout ira bien et vous ferez les manèges ensemble. Imagine maintenant que tu pars à la Ronde avec ces trois enfants. Alors qu’un sautille dans la file pour entrer dans le prochain manège, l’autre vomit parce que le dernier tour était de trop et le troisième s’ennuie de sa mère depuis que tu as perdu patience. Tu aurais besoin d’intervenir différement avec chaque enfant pour bien combler leur besoin respectif, non? Mais c’est impossible car tu es seule et tu n’as que deux bras. Donc, un sera triste d’être seul dans le manège, l’autre sentira le yable jusqu’à votre retour et le dernier bougonnera.

C’est pareil pour les enseignants. Dans une classe de vingt-cinq enfants, il peut y avoir facilement dix élèves avec des plans d’interventions (ce qui ne veut pas dire que les autres sont parfaits, autonomes et ne demandent pas d’aide et de supervision). Comment veux-tu que le professeur applique toutes les mesures promises à tout un chacun? Ce n’est pas une pieuvre avec de multiples tentacules qui s’évertue devant la classe. Juste un être humain qui fait de son mieux. À l’impossible, nul n’est tenu.

Le succès du plan d’intervention est la responsabilité de tous.

Le plan d’intervention n’est pas une fin en soi et encore moins une recette miracle. C’est un pas dans la bonne direction quand il s’agit d’aborder une discussion entre les différents intervenants. Il devient notre base commune de discussion. Il est un outil de mobilisation et il nous aide à tous travailler dans la même direction. Qui a dit que ça prend tout un village pour élever un enfant?

Comme parent, nous sommes les premiers responsables de la réussite de nos enfants (après l’enfant lui-même, bien sûr). C’est à nous de prendre l’initiative en s’en servant pour amorcer les discussions avec les professeurs et autres intervenants. Avec vingt-cinq enfants dans leur classe, plusieurs d’entre eux manqueront de temps, laissant ainsi en plan toutes les bonnes idées.

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Pour en savoir un peu plus sur l’autrice, Sophie Barnabé? Cliquez ici.
Révision par: Élaine Sylvestre

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