Va jouer dehors! Toujours d’actualité?

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1983, j’avais 10 ans, et dès 8 h, j’enfilais mes gougounes et je partais courir dehors pour cogner chez les voisins. Si ça ne répondait pas à la première porte, je courais sur la rue d’en arrière, et puis l’autre. J’acceptais de jouer avec n’importe quel ami qui me répondait à cette heure. C’était tellement plus agréable que de rester à l’intérieur alors qu’il n’y avait aucune émission pour enfants qui jouait à ce moment, qu’internet n’existait pas et qu’il faisait chaud sans bon sens dans la maison. Le plaisir d’une journée de vacances se mesurait à la noirceur des pieds, au contour de la bouche tachée par le Mr Freeze à l’orange et à l’intensité de la démarcation rouge/blanche sur la peau.

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Crédit photo: Pixabay

Les interminables journées passées à jouer dehors étaient un gage de liberté après la réussite d’une année scolaire bien encadrée. Mais que s’est-il passé pour que le balancier change de côté? Le chant des oiseaux et la douceur de la brise sur notre peau ne semblent plus intéressants pour nos enfants. Les temps ont bien changé et jouer dehors vient maintenant avec son lot de consignes de sécurité, son cadre bien limité et souvent, un ennui démesuré. Lorsqu’ils sont tout-petits, il est plus facile de les accompagner et de contrôler leurs activités, mais en vieillissant, ils veulent davantage de liberté, mais tout faire avec le regard bienveillant du parent n’a rien d’intéressant. Si j’avais 8 ou 10 ans aujourd’hui, je m’obstinerais aussi pour rester à l’intérieur et mes arguments seraient de taille.

1- La cour aseptisée

Comme il était agréable de sortir pour faire un bouquet de pissenlits, mettre nos pieds sur la première marche de la piscine pour y tremper notre Barbie, faire glisser des bouts de gazon entre nos dents, mettre nos mains en triangle pour emprisonner une fourmi et chercher des trèfles à quatre feuilles… On se trouvait courageux de s’asseoir sur les chaises en vinyle brûlantes et on les revirait à l’envers pour se faire des cabanes. On mangeait des Revello qui fondaient le long de nos avant-bras et on s’essuyait dans l’herbe. Quand on sortait dehors, la cour ne ressemblait pas à notre salon, et autour de la piscine, on ne se sentait pas en prison. 

Aujourd’hui, on doit demander la clé pour aller se tremper les pieds, un petit geste qui devrait pourtant être spontané. Le bouquet de fleurs qu’on trouvait si joli et les trèfles sont désormais remplacés par un gazon digne du circuit de la PGA. On doit faire attention pour ne pas tacher les coussins de notre salon extérieur et il ne faut surtout pas monter debout sur les chaises de jardin au risque de défoncer le rotin. Manger de l’herbe est rendu malsain et les popsicles trop sucrés sont remplacés par des yogourts glacés, qui ont le même goût que ce qu’on a mangé toute l’année, car les yogourts sont acceptés par l’école comme dessert santé. Et les fourmis? Oubliez ça, elles ont été exterminées.

La cour qui se voulait un terrain de jeu est aujourd’hui un prolongement de la maison. Jouer dans une pièce plutôt qu’une autre, quel en est l’intérêt?

2- La surprotection

Jouer dehors était un gage de liberté qui permettait un laisser-aller, qui stimulait la créativité, qui incitait aux expériences et qui nous imposait parfois la témérité. S’est-on pété la margoulette? Avons-nous eu des roches sur les mains et les genoux? A-t-on eu les orteils éraflés parce que la pédale nous avait glissé sous le pied? Avons-nous dû marcher une heure avec notre vélo parce que la chaîne avait débarqué? Oui, sans doute… Mais ça nous a donné l’envie d’oser, de tester, d’expérimenter. Ça donnait lieu à des prises d’initiatives et il fallait souvent user de débrouillardise. On apprenait et on se réalisait.

Aujourd’hui, on incite nos enfants à aller jouer dehors à la condition qu’ils mettent un casque pour faire du vélo, des protecteurs pour faire du roller, de la crème solaire aux deux heures pour éviter de brûler et du chasse-moustiques pour ne pas que ça pique! Ils doivent traîner leur bouteille d’eau pour éviter de boire au boyau et s’ils n’ont pas de téléphone cellulaire avec localisateur, ils doivent lâcher leur partie de basket et revenir aux heures pour nous assurer qu’ils sont toujours corrects. Ils vont au parc où il n’y a plus un seul enfant et s’il y en a un, ils doivent être prudents puisqu’il pourrait être méchant.

Alors que jouer dehors devrait être libérateur et amusant, on en fait un moment où il faut rester aux aguets plus que jamais. Être dehors fait presque peur et c’est assurément rendu stressant. Pour bien faire, on accompagne encore nos enfants à 10 ans en leur disant de faire attention à ci, de s’éloigner de ça, « oh! regarde ceci » et « j’ai découvert pour toi cela »… En les accompagnant, on leur enlève une grande part de liberté et ça, c’est la principale raison pourquoi on voulait aller jouer dehors l’été.

3- La canicule

C’est vrai, il fait de plus en plus chaud et ça occasionne parfois des inconforts, ça assomme. On comprend bien pourquoi dans les pays du Sud, Pedro fait la sieste sous son sombrero quand plombe le soleil d’après-midi. Quand il fait 38 degrés avec l’humidex et qu’on a l’air conditionné dans la maison, c’est bien certain qu’on est mieux à l’intérieur. On ne peut blâmer personne pour ça. Cependant, même à 38, à l’ombre d’un arbre, ça peut être agréable. Montrer à nos enfants à adapter leurs activités peut tout de même leur donner le goût de passer quelques minutes sur l’herbe fraîche, comme Pedro. Étendre une couverture, servir un bol de petits fruits, mettre un film sur le portable et l’écouter à l’ombre du gros pommier, ça fait pas mal vacances, non?

Comment redonner le goût à nos enfants de jouer dehors sans avoir à les accompagner partout tout le temps, comme si l’extérieur était un lieu dangereux, sans capoter avec la sécurité, sans nous imposer dans leurs élans de curiosité et leurs envies de découvertes? Comment nous redonner la confiance de les laisser aller sans paniquer? On ne les laisse pas libres dans notre propre quartier, mais sur internet, c’est à peine si on s’informe de ce qu’ils font ou avec qui ils conversent. Pourtant, l’écran est un grand terrain de jeu, c’est le monde entier, incontrôlé ; c’est un jeu qui peut être bien plus dangereux. 

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Fière maman d’une fonceuse de 17 ans et d’un courageux de 19, je suis enseignante en marketing au niveau collégial, séparée et banlieusarde assumée. Entourée de jeunes aux hormones dans le tapis presque 24 heures sur 24, j’excelle quand vient le temps de relativiser et de dédramatiser. Les longues minutes passées dans la circulation m’amènent à avoir des réflexions sur l’actualité, sur le sens de la vie, sur ma réalité qui ressemble probablement à la vôtre… Riche d’une confiance en la vie et d’un désir de venir à la rencontre des autres, j’ose, depuis quelques années, mettre sur papier mes idées, mes bulles, mes folies à travers différents écrits qui allient humour, sensibilité et humanité. Collaboratrice régulière depuis août 2018.

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