Du haut de mes 36 ans, je vois mes souvenirs d’enfance se faire plus discrets. Parmi les bons comme les moins bons moments, la mémoire sélectionne ce qui a une incidence dans notre vie d’aujourd’hui. Vieillir nous offre sagesse et compréhension, donc les évènements marquants deviennent petit à petit de simples moments sans gravité. Malgré tout, certains de ces durs moments feront partie de ma vie à tout jamais. Il y a plus de 25 ans, j’étais victime d’intimidation! Mais que serais-je devenue si l’intimidation n’avait pas atteint mon parcours de vie?
Une lutte, mais mes choix
Dès l’âge de 9 ans, j’ai été la cible d’insultes, de remarques déplacées et de moqueries en tout genre. J’ai dû subir la méchanceté de mes camarades de classe. Fort heureusement, j’ai toujours eu des amies, ce qui m’a permis de ne pas m’isoler dans ma détresse. Mais malgré tout, en partie à cause de ma timidité, j’ai souffert de cette période. J’ai longtemps, probablement trop longtemps, voulu plaire à un garçon de mon école. Peine perdue, j’étais un rejet, donc c’était clair que ce type n’allait pas vouloir de moi. Vers l’âge de 12 ans, j’étais convaincue que sortir avec les garçons serait une chose inaccessible pour moi. Ma réputation étant déjà réduite à néant, penser attirer le regard d’un amoureux potentiel était inutile. Et vous savez tous qu’à 12 ans, les petits garçons, ça prend beaucoup de place dans une tête d’adolescente! Mais ainsi était destinée ma vie! J’ai tenté de me faire plus discrète, de me fondre dans la masse, sans succès! J’ai aussi tenté de me faire forte, j’ai montré mon sale caractère, que j’étais capable de répliquer, mais rien ne changea! J’allais finir bonne sœur au fond d’un couvent!
Je vivais une certaine détresse, mélangée avec une force de caractère assez incroyable. À l’époque, je ne comprenais pas cette analyse. Malgré l’acharnement que j’ai vécu, j’ai toujours eu la force d’avancer, de rêver et de bâtir mon avenir. Dans mes déceptions, je trouvais une place pour apprécier mes bons moments. Oui, une partie de mon adolescence a été difficile, mais je n’ai jamais sombré dans la tristesse infinie. Je me disais constamment qu’un jour, le soleil brillerait pour moi aussi. Je n’ai jamais senti ma vie m’échapper. À vrai dire, je me suis toujours trouvée un peu étrange. J’ai donc souvent cru que les autres me percevaient ainsi. La meilleure cible est souvent la personne qui ne correspond pas aux standards. Est-ce que j’étais si différente? Je ne sais pas.
Le moment ou jamais!
Vers 13 ans, j’ai eu la chance de déménager. Ce qui impliquait un changement d’école, d’amis, de vie. Je n’étais pas la plus heureuse de ce changement, car je laissais tout de même derrière moi des amies de longue date. Mais au fond de moi-même, j’avais décidé que, puisque je n’avais pas le choix, ce déménagement serait pour moi le jour 1 de ma nouvelle vie. Comme personne ne me connaissait et que j’étais simplement la nouvelle, c’était donc le meilleur moment pour prouver que je n’étais pas une moins que rien, comme d’autres le prétendaient. Moi aussi, j’avais le droit d’être une adolescente comme les autres. J’ai mis ma timidité de côté. Non, j’ai vraiment sorti la timidité de ma vie! J’ai décidé que j’allais avoir une place, coûte que coûte! Je me suis inscrite en théâtre, et j’ai foncé avec une détermination sans borne! Rien ni personne n’allait me faire reculer. J’ai fait mon secondaire avec cette pensée. Celle de prouver aux autres ce que je valais. Mes 2 dernières années du secondaire, j’allais les passer avec mes intimidateurs, puisque les 2 écoles étaient jumelées.
Je n’étais plus la fille qui se cachait de ses bourreaux. J’étais celle qui s’impliquait dans plein de projets! J’étais bien entourée, je me sentais appréciée. Mais j’avais toujours ce besoin de prouver quelque chose, de montrer que mes anciens intimidateurs avaient fait fausse route à mon sujet. Au lieu de simplement me concentrer sur mes amis et mes projets, je gardais toujours en tête de plaire. Ça ne m’a pas empêchée d’être heureuse, mais c’était ma faiblesse.
Heureuse, certainement!
Aujourd’hui, je ne cherche plus à plaire à n’importe qui. Je ne voulais plus que ma vie soit un combat de personnalité. Je considère avoir appris de ces années. Appris que même si les autres ne t’acceptent pas à ta juste valeur, ta vie n’est pas entre leurs mains. Nous sommes maîtres de notre destin. Par nos choix et par notre détermination, la vie nous réserve plein de belles surprises. L’intimidation n’a pas sa place, ni dans ma vie ni dans celle des autres. Bien que mes années difficiles semblaient être une montagne insurmontable, je réalise que je l’ai gravie, cette montagne, et c’est l’une de mes plus grande fierté!
J’aime faire des constats dans ma vie. Analyser des situations vécues pour en tirer une certaine leçon, sans me sentir coupable de n’avoir peut-être pas été à la hauteur de mes attentes. J’ai l’impression que ça me permet d’avancer dans la vie. Mais me voilà maintenant maman, maman de deux belles grandes filles qui devront à leur tour apprendre de leurs bons et moins bons moments. Apprendre que la vie est parfois injuste et que bien souvent, on doit tout de même continuer à vivre avec nos démons. Depuis que mes filles sont à l’école, une peur m’a surprise. Cette peur que beaucoup de parents redoutent: et si mes filles étaient la cible des intimidateurs, ou pire, si elles devenaient des intimidatrices? Je me réjouis que, pour l’instant, tout aille bien. Dans toute cette tourmente, je me vois à 12 ans, plongée dans l’incompréhension, car moi j’étais victime d’intimidation.
Révision: Élaine Sylvestre
Pour lire d’autres articles de Paule, c’est par ici. Pour en savoir plus sur l’intimidation, consulter ce site gouvernemental.