Depuis quelques années, on entend parler un peu plus du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) dans les médias. On sensibilise ENFIN la population sur les réalités que vivent les enfants atteints de ce trouble neurologique, et conséquemment, celles de leurs parents souvent essoufflés. Toutefois, on parle un peu moins du TDAH chez l’adulte. Même que plusieurs s’étonnent lorsqu’ils constatent qu’il y a tout de même une importante proportion d’adultes atteints de ce trouble. En effet, le TDAH ne disparaît pas chez tous les jeunes devenus adultes. Selon les études, c’est plus de 60 % des enfants diagnostiqués qui auront des symptômes qui persisteront à l’âge adulte. Au Québec, 270 000 adultes seraient atteints d’un TDAH. Je suis l’une de ces personnes et je suis également la maman d’enfants vivants avec ce trouble. Rares sont les gens qui le savent dans mon entourage. J’en parle peu… ou pas. Et j’ai développé, au fil des ans, des astuces afin de bien vivre avec mon trouble et le camoufler. Aujourd’hui, j’avais envie de lever le voile. Qu’est-ce que ça représente chez moi le fait d’avoir un TDAH?
Il faut d’abord retenir que les symptômes varient d’un individu à l’autre. Mais pour moi, ça se présente ainsi :
Déficit d’attention
- Je m’éparpille et j’oublie constamment des choses.
- Je suis facilement distraite par les bruits, les stimuli visuels.
- J’ai parfois de la difficulté à suivre une conversation, même en formule tête-à-tête.
- Je suis incapable de faire une seule et même tâche en continu. Je vais plutôt effectuer plusieurs bouts de plusieurs tâches. Je passe de l’une à l’autre au gré de ma concentration.
- J’ai de la difficulté avec ma mémoire active.
Hyperactivité
- Tête en surcharge : les idées fusent constamment, j’ai le cerveau en ébullition à plein temps, 24h/24, 7 jours/7.
- Mon débit de parole est rapide et je suis bavarde. Très bavarde! Je parle, je parle, je parle… en plus de sauter souvent du coq à l’âne sans m’en rendre compte. Je suis dure à suivre, mais j’ai aussi de la difficulté à ME suivre!
Difficultés d’organisation
- Je suis désordonnée.
- Je dois me faire des listes pour tout, mais je ne dois pas oublier de les consulter ni de consulter mon agenda électronique pour me pointer à mes rendez-vous.
Impulsivité
- Chez moi, ça se traduit surtout par la parole. Je parle sous l’effet de l’impulsivité. Je saute du coq à l’âne comme je le disais plus haut.
- Il m’arrive encore de couper la parole sans m’en rendre compte, car l’impulsivité du moment dans la conversation m’amène à penser à un truc et je le dis là, tout de suite, involontairement. Je ne le réalise qu’après et je m’excuse s’il n’est pas trop tard évidemment.
- Je ne mesure pas toujours l’impact de ce que je suis en train de dire. En fait, trop souvent, j’entends ce que je dis en même temps que l’autre personne. Je suis capable d’avoir un filtre sur le plan professionnel évidemment, mais dans ma vie personnelle, ce n’est pas toujours simple.
- Je prends parfois des décisions sans trop y réfléchir. Je me suis calmée avec l’âge et ça n’a pas toujours été négatif (c’est ainsi que je suis partie vivre au Maroc quelques années par exemple, sur un coup de tête), mais reste que ce n’est pas toujours la meilleure façon de faire.
Difficultés à gérer mes émotions
- Dans ma vie personnelle, je passe d’une émotion à l’autre d’une façon assez déstabilisante. Je peux être calme et, soudainement, un simple irritant me fait entrer dans une colère noire qui ne durera que quelques secondes. J’ai l’impression d’être constamment à fleur de peau et c’est un irritant pour ma petite famille aussi malheureusement.
Rigidité
- J’ai une certaine rigidité à certains niveaux. J’ai besoin de balises parfois. Je ne m’en rendais pas compte avant, mais avec l’âge, j’ai pu réaliser que je suis du genre à ne pas être capable de fonctionner si je ne connais pas d’avance le déroulement d’une activité X. Je dois pouvoir me situer dans le temps. Les trucs « vagues », ça crée chez moi de l’anxiété. Et malgré ça, je ne supporte pas la routine!
Parlant d’anxiété… Vous savez sûrement que le TDAH est souvent accompagné d’autres troubles. On parle alors de comorbidité. Dans mon cas, c’est un trouble anxieux qui se joint à mon déficit d’attention. J’ai toujours été plus anxieuse que la population générale, mais ce trouble a pris une ampleur autre les dernières années. Des événements difficiles m’ont menée à de l’anxiété sociale et à des crises de panique. Je n’ai pas besoin de me retrouver au milieu d’une foule pour avoir le cœur qui s’emballe, la poitrine qui se comprime, le sentiment d’étouffer… Ça m’arrive à l’hôpital, au centre commercial, au supermarché… C’est par la méditation et l’art-thérapie que j’essaie entre autres d’atténuer ce trouble. J’ai également développé de petits trucs. Par exemple, lorsque j’assiste à une conférence, j’arrive tôt afin de sélectionner une place près de la sortie, idéalement près d’un mur, avec personne derrière moi.
Voici ce que donnent concrètement ces symptômes lors d’un après-midi typique de boulot à la maison :
Pour la rédactrice que je suis, être TDAH, ça signifie avoir une dizaine de fenêtres ouvertes sur mon ordinateur. Impossible pour moi de ne faire qu’une tâche en continu. Je rédige donc quelques minutes, je saute ensuite sur un autre fichier pour réviser un paragraphe d’un autre document ayant un tout autre sujet. Je saute à nouveau à un autre projet et je traduis quelques lignes d’un site web pour ensuite atterrir sur Facebook et faire un peu de gestion de réseau pour les pages de mes clients. Bien sûr, pendant que je faisais tout ça, quelques idées impromptues se sont pointées. J’ai entre autres eu une idée d’article sur l’entrepreneuriat scolaire que j’ai notée (ou pas!), idée qui m’a menée à une réflexion tout autre sur le bénévolat… et je me suis retrouvée à faire 2-3 recherches sur des organismes cherchant des bénévoles près de la maison à travers les 4-5 statuts Facebook et les 2-3 gazouillis sur Twitter que j’ai publiés pour des clients. Je reviens à la révision, mais je pense tout à coup à la vaisselle qui traîne et je laisse tout en plan et file à la cuisine remplir le lave-vaisselle. Tandis que je rince un verre, un chien passe dehors… « Oh! Il est beau ce chien, je me demande il est de quelle race… Tiens! C’est Kelly, la petite voisine… Kelly! Ben oui, faut que j’appelle Annie! C’est ça le titre de la chanson dont je cherchais le nom hier… Grace Kelly… » Je m’empresse d’aller chercher le sans-fil au salon, puis je constate qu’il est 14 h et que je n’ai pas dîné. Je me prépare une petite salade et je me demande pourquoi j’avais le téléphone en main. « Ah oui! Je dois réserver le resto pour l’anniversaire de chéri » (tâche qui m’était probablement passée en tête deux jours plus tôt). Pendant que je suis au téléphone, je retourne à mes tâches professionnelles et la spirale recommence. C’est quand les enfants et chéri reviennent de leur activité que je réalise que j’ai oublié de prévoir le souper.
Je vous rassure toutefois, je rends mes projets à temps. Je me connais et j’ai appris à prévoir un temps suffisant, sachant que je travaille constamment sur plusieurs contrats à la fois. Et sans me vanter, aussi surprenant que ça puisse l’être, je suis hyper efficace. J’abats le travail aussi vite que les idées fusent dans ma tête. Heureusement pour moi!
Je vous ai donné là un exemple d’une bonne journée. D’une journée sans embûche, sans anxiété, sans migraine. Une journée où la forme y est. Il y en a toutefois des plus pénibles que d’autres. Surtout quand mes enfants sont aussi dans une journée plus difficile.
La clé du succès lorsqu’on est un adulte (et surtout un parent!) avec un TDAH?
- Bien se connaître
- Se donner les outils nécessaires pour bien fonctionner
- Se donner le droit à l’erreur et à l’oubli
- Respecter ses limites
- Ne pas avoir peur de demander de l’aide
Je vous laisse deviner combien de temps j’ai mis à rédiger cet article! Je vous laisse également le soin d’imaginer combien de choses j’ai pu faire à travers la rédaction de celui-ci. 🙂
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