Ma profession, ma passion?

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Choisir entre une profession et sa passion… Suite à un questionnaire rempli avec un orienteur, en secondaire 4 ou 5, je savais parfaitement vers quelle branche d’études me diriger : techniques de santé animale. Après trois ans d’études, j’ai réussi à décrocher presque immédiatement un emploi. J’ai grandi en tant que personne au sein du même hôpital vétérinaire depuis le tout début de ma vie professionnelle. J’ai toujours adoré mon travail et les personnes avec qui je travaillais. J’aimais les défis reliés à ma profession et la reconnaissance qui y était associée. Je m’imaginais travailler auprès de cette équipe jusqu’à ma retraite et j’en étais bien heureuse.

La routine qui fait peur

Mais après environ neuf ans, chaque jour travaillé ressemblait étrangement au jour précédent. Je sentais que la routine était tranquillement en train de s’installer dans l’exercice de ma profession et que cette routine allait bientôt se transformer en monotonie. Je me donnais des défis personnels constamment, en me créant de nouvelles tâches et je croyais, à tort, arriver à déjouer la routine. Malgré cela, rien n’y faisait. Je devenais, petit à petit, un robot qui faisait les choses machinalement, sans trop d’enthousiasme.

Se permettre d’aller voir ailleurs

Histoire de me changer les idées, j’ai commencé à regarder les offres d’emploi dans un autre domaine. J’allais peut-être trouver une offre qui allait m’aider à retrouver une certaine motivation, un peu d’enthousiasme. Je cherchais à relever de nouveaux défis dans quelque chose qui me passionnait: la décoration de desserts. J’ai souvent vu des citations défiler sur Facebook disant : « Travaille dans ce qui te passionne et tu n’auras plus l’impression de travailler de toute ta vie. » Puisque Facebook le disait…

Un jour, j’ai vu une offre, pour un travail à temps partiel, qui m’a interpellée immédiatement. De fil en aiguille, j’ai commencé à travailler à temps partiel pour deux employeurs différents. Un emploi dans ma profession initiale et un deuxième emploi qui me permettait de vivre ma passion. J’étais aux anges! Pour moi, il s’agissait du plan idéal, car j’avais le meilleur des deux mondes. Mon regain d’énergie était revenu, mon enthousiasme au travail aussi.

Tout allait à merveille jusqu’à ce qu’on m’offre d’augmenter le nombre d’heures au nouvel endroit. Cette possibilité de décorer des desserts à temps complet voulait inévitablement dire que je devrais quitter le métier que j’avais depuis 10 ans…! Cette éventualité m’avait effleurée l’esprit à une ou deux reprises, mais j’avais décidé de vivre dans le déni total, en espérant ne jamais recevoir ce type d’offre.

Entre les deux mon cœur balance

Avant de prendre toute décision finale, j’ai décidé d’en parler à plusieurs personnes de mon entourage. Il était difficile pour moi d’entendre leur opinion, car personne n’était totalement objectif dans leurs conseils. Aucune décision éclairée ne pouvait sortir de toutes ces discussions… Et en plus, je savais que mes propres opinions étaient biaisées. Premièrement,  je ne voulais pas faire de peine à mes collègues de travail que je côtoyais depuis une dizaine d’année; deuxièmement, je ne voulais pas décevoir mon nouvel employeur en refusant son offre.

Est-ce que…

  • le fait de travailler dans ce qui me passionne va éteindre cette passion?
  • travailler dans ce domaine va transformer ma passion en obligation?
  • je vais éventuellement retomber dans cette même monotonie que je vis présentement?
  • ma sécurité d’emploi et financière seront assurées si je décide de changer d’emploi?

Et si, finalement, je n’aime pas ce nouvel emploi… devrais-je devoir tout recommencer à zéro?

La fameuse liste

Je ne savais pas du tout quoi faire à ce moment et vraiment, j’étais très confuse. J’adorais les animaux et en prendre soin, mais je raffolais de faire de desserts et de les décorer… Après avoir pleuré et fait les cents pas dans la maison, je me suis assise et j’ai commencé à faire ma liste de « pour » et de « contre ».

Le pour:

  • travailler de ma passion;
  • possibilité de suivre des cours de décoration pour me perfectionner;
  • meilleure conciliation travail/famille;
  • aucun travail de soir, ni de fin de semaine;
  • possibilité d’avancement au sein de l’entreprise;
  • possibilité de faire des journées de télétravail;
  • il n’est jamais trop tard pour commencer un nouveau rêve.

Le contre :

  • quitter une routine bien établie;
  • diminution de salaire;
  • augmentation du temps de transport;
  • plus de sécurité d’emploi ou financière;
  • nouveaux collègues de travail, nouvelle adaptation;
  • peur de ne plus aimer ce qui me passionne.

Une fois cette liste sur papier, je dois avouer que mes idées n’étaient pas nécessairement plus claires! Mais selon moi, le dernier point en faveur d’un changement d’emploi en valait bien deux.

Au revoir la zone de confort

C’est donc les yeux presque fermés que je me suis lancée dans le vide et que j’ai décidé de changer d’emploi. L’annonce officielle de ma démission à mon futur ancien employeur et à mes collègues a été un moment très pénible. Beaucoup de pleurs et de tristesse, mais aussi et surtout, beaucoup de beaux mots d’encouragement. Mes collègues m’ont énormément encouragée à me diriger vers ce qui me passionnait, ce qui m’allumait. Elles m’ont dit que j’allais réussir, même si ça leur faisait de la peine de me voir partir. À ce moment, j’ai su que je prenais la bonne décision.

Le gazon toujours plus vert

Et me voilà vers un nouveau départ. Jamais je n’aurais cru qu’à 35 ans, il était possible de recommencer à zéro sur le plan professionnel. Tous les matins, je me levais la tête pleine d’idées et j’étais gonflée à bloc. J’allais travailler dans un domaine qui exploitait ma passion à 100% et qui allait me permettre de me dépasser de plus en plus, à chaque jour.

Plus les semaines avançaient, plus on me donnait de nouvelles tâches. J’étais heureuse, car on me faisait confiance. Mon nouvel employeur savait que je me donnais corps et âme dans tout ce que j’entreprenais. J’étais contente de mes créations et j’avais beaucoup de reconnaissance. Je me voyais déjà prendre différents cours afin de me perfectionner et devenir « top » dans la décoration de desserts. De plus, je profitais de tous mes soirs et de mes fins de semaine avec ma famille. Je pouvais enfin déclarer que ma conciliation travail/famille était parfaite depuis mon changement de métier.

Suite à ma démission, j’ai toujours gardé contact avec mon ancienne équipe vétérinaire et régulièrement, j’allais leur rendre visite. Mes anciennes collègues étaient fières de me voir évoluer dans un autre domaine, contentes de voir que je me plaisais à vivre de ma passion. En revanche, quand je revenais chez moi après ces visites, j’avais toujours le cafard. Je pleurais et je regrettais mon départ, mais je voyais cette réaction comme une suite normale. Je comparais ce sentiment à une peine d’amour et je me disais qu’éventuellement, j’allais me relever de tout ça et que je finirais bien à m’en remettre.

Malgré moi, plus les journées passaient, plus ma passion pour mon nouvel emploi s’éteignait. Ce que je voyais comme une passion devenait tranquillement une obligation. Des restrictions de temps et certaines créations m’étaient imposées. De plus en plus de tâches m’étaient déléguées,  ce qui ne me convenait pas du tout, car elles n’avaient pas de lien avec mon embauche initiale. J’espérais de tout cœur que ces déceptions étaient liées au changement soudain de routine et je me disais qu’en seulement deux mois, il m’était impossible de déjà regretter ma décision. Mentalement, je me suis fixée un délai et j’ai décidé de me laisser au moins une année complète avant de sauter aux conclusions concernant mon changement de métier.

Faire face à la musique

Un peu plus d’un mois plus tard, je devais regarder la vérité en face et admettre que je m’étais trompée. Il n’était pas question d’attendre une année complète à regretter ma décision. Ce changement de métier n’était pas fait pour moi, tout simplement. Ma passion était devenue mon métier, mais par le fait même, aussi une obligation. Ma passion ne me passionnait plus, point final.

Je devais faire des démarches, coûte que coûte, pour retourner dans mon domaine. Mon métier auprès des animaux me manquait énormément, j’avais besoin de m’y réintégrer. Après environ 18 mois de péripéties, j’ai eu l’immense chance de retrouver mon poste auprès de mes anciennes collègues. Je repars quand même à zéro, mais avec un bon bagage d’expérience dans ce domaine. La routine qui me faisait si peur autrefois, m’apaise maintenant. Ma conciliation travail/famille n’est pas parfaite, mais avec des enfants plus vieux, j’arrive quand même à y trouver mon compte.

Des regrets mais aucun remords

Oui, effectivement, mon métier n’est pas ma passion. Mais mon métier, ma profession, je l’adore et tous ses aspects coulent dans mes veines. Ce métier fait de moi ce que je suis, comment je pense et il forge mes opinions. Mon métier fait partie de moi et je ne pourrais plus jamais m’imaginer travailler dans un autre domaine. Ma passion restera ma passion. Je la garde pour moi et ceux qui veulent bien m’encourager. Je me permets de parfois y résister pour garder du temps juste pour moi. Et parfois,  j’invente des minutes à mes heures pour me permettre de l’assouvir.

Est-ce que je regrette d’avoir fait le saut vers l’inconnu, coté professionnel? Oui, tout à fait. Je le regrette à tous les jours. J’ai perdu beaucoup d’énergie dans cette aventure. Mais somme toute, j’en ressors grandie. J’ai appris et heureusement, je me suis retrouvée. Je n’aurais jamais pu vivre avec la petite pensée pleine de remords me disant : « J’aurais dû.. » Je l’ai fait et ce n’était pas pour moi, c’est tout.

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Crédit photo: Suzanne Martineau
Révision: Caroline Robert

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