Depuis que je suis née, j’ai beaucoup d’empathie et d’admiration envers les personnes vivant avec certaines limitations. Qu’on parle ici de déficience intellectuelle, d’autisme, de TDAH ou autre, « les différents », comme « les autres » aiment les appeler (lire ici étiqueter/catégoriser), sont en fait composés de chair et de sang comme VOUS et MOI… Ils ont les mêmes besoins primaires que nous. Ils doivent : respirer, boire, manger, se protéger du froid et de la chaleur.
Ils peuvent même choisir : de faire la grasse matinée, de partir en voyage, de faire des études collégiales, d’avoir un travail (un vrai), de socialiser, de vivre des réussites et des échecs, de faire des erreurs, d’avoir des passions, etc.
Et ils ont même le droit de partir en appartement ou de s’acheter une maison, de connaître l’Amour (avec un grand A), d’avoir des relations sexuelles tous les jours – pas uniquement le vendredi comme Renaud et Rosalie avaient l’habitude d’en avoir dans le téléroman Annie et ses hommes, etc.
Au fond, ils nous ressemblent. Ils sont : votre ami, votre cousine, votre sœur, votre oncle, votre mère, votre grand-père et peut-être même votre épouse. Ils sont peut-être différents de ce que notre société appelle « la norme », mais qu’est-ce que ça fait ? Qu’est-ce que ça change dans votre vie ? Est-ce qu’ils ont commis un crime ? Est-ce qu’ils méritent vraiment de se faire pointer du doigt et/ou dévisager ? On a tous, au moins une fois dans notre vie, été différents « des autres » et c’est justement ce qui nous rend U-NI-QUE. Soyons fiers de nous pour une fois. 😀
On a encore du chemin à faire cependant…
Je crois par contre que nous avons encore du chemin à faire en tant que société et j’aimerais vous inviter à ouvrir davantage votre cœur aux différences. Qu’elles soient génétiques, psychologiques ou physiques, il faut arrêter d’en avoir peur. Pssstttt, ça ne s’attrape PAS ! Ce n’est PAS contagieux. 😉
Ma réalité, mes choix, MON histoire
Lorsque j’habitais Montréal, j’étais souvent celle qui, peu importe ce que « les autres » pouvaient en penser, répondait aux demandes des « différents ». Par « différents », je parle ici de toutes les personnes qui ont de près ou de loin un « handicap » quelconque.
J’étais celle qui leur accordait de l’importance, qui répondait à leur question, qui leur souriait et qui prenait le temps de les écouter et d’échanger avec eux.
Ma rencontre avec un « ange »
À 18 ans, j’étais encore celle qui, chaque matin, échangeait sur tout et sur rien avec un certain Sébastien, un jeune homme fort sympathique et très charmant qui vivait avec une déficience intellectuelle depuis sa naissance. Malgré sa déficience et les nombreux jugements non fondés « des autres », Sébastien était heureux et avait un travail dont il était très fier : il travaillait dans une pépinière. Chaque matin, il me parlait, avec beaucoup de passion du travail qu’il affectionnait tant. Chaque matin, peu importe la météo, il n’était jamais en retard et que très rarement malade. Chaque matin, contrairement à moi, Sébastien était prêt et disposé. Prêt à discuter, prêt à me faire entendre sa nouvelle « toune » de l’heure et à partager ses écouteurs avec moi…
J’ai toujours trouvé que Sébastien était supérieur à moi… Il était toujours souriant et disponible, il était sociable et engagé, il n’avait aucun regret et sa vie était toujours belle. Sébastien était peut-être un peu « spécial » aux yeux « des autres », mais pour moi, il était très important. J’aimais beaucoup Sébastien. Sa naïveté me rendait automatiquement joyeuse et pourtant, je suis plutôt du genre solitaire le matin. Entourée par « les différents », je me suis toujours sentie à ma place.
Quelques mois plus tard, alors que ma vocation était plus que claire, j’entrais au Cégep de St-Jérôme en tant qu’étudiante en Éducation spécialisée. Après 2 ans et ½ et une mauvaise expérience en poche (merci à l’enseignante un peu trop « freak »), j’ai TOUT remis en question et j’ai décidé de tout quitter. Contrairement à Sébastien, j’ai laissé tomber, je me suis découragée et j’ai laissé « l’autre » gagner.
Aujourd’hui, avec le recul et la trentaine, je sais parfaitement que je n’ai besoin d’aucune formation spéciale ni d’aucun titre pour venir en aide aux autres, car « les différents » ne s’attardent pas au statut des personnes qu’ils rencontrent. Ils regardent qui vous êtes vraiment au plus profond de vous-même et si vous réussissez à gagner leur confiance, vous aurez alors la chance de vivre une expérience enrichissante. Sébastien était peut-être un peu différent, voire spécial, mais il était aussi super gentil et tellement UNIQUE. Plus de quinze ans après l’avoir rencontré, je me rends aujourd’hui compte que Sébastien a compté un peu plus que je ne l’aurais imaginé pour moi. Il me manque beaucoup…
Sa réalité, ses choix, SON histoire
Maintenant, si vous le voulez bien, j’aimerais vous présenter le point de vue de Mathieu Baron sur la question. Je vous parle bien DU Mathieu Baron, le « Biggy » un peu maladroit du Loft, qui vouait (et voue toujours) une admiration sans bornes à son petit frère Alexandre (et le plus beau dans tout cela c’est que c’est réciproque). Je me rappelle vaguement d’un échange dans le « confessionnal » entre Mathieu et son frère… À cet instant, je crois que Mathieu a véritablement oublié, et ce pour la première fois, les caméras. Grâce à cet oubli momentané, nous avons pu assister à un touchant échange entre deux frères et une mère et découvrir qui il était vraiment.
Depuis, Mathieu a fait énormément de chemin. En plus d’être LE Mathieu Baron de Loft Story et d’avoir des talents cachés en cuisine italienne, d’exceller dans différents sports tels que le hockey, le basketball, le baseball, le golf et la boxe et de parler couramment l’italien, Mathieu Baron est acteur et animateur. Pour certains, il est maintenant l’IPL sexy d’Unité 9 tandis que pour d’autres, il est l’animateur en apprentissage de Coup de foudre. Mais pour moi, il sera toujours Mathieu Baron, l’homme au grand cœur.
Aujourd’hui, c’est avec un Mathieu Baron en contrôle, qui s’est intelligemment revampé, que j’ai eu le bonheur de discuter et d’échanger quelques mots. C’était une très belle rencontre d’ailleurs; cet homme est fort inspirant…
Au cours de cet échange, Mathieu a eu la gentillesse de répondre à quelques questions sur la relation qu’il a avec les membres de l’équipe de hockey Les différents ainsi que sur sa relation avec son frère Alexandre qui vit, depuis toujours, avec une déficience intellectuelle, de l’autisme et le syndrome de Gilles de la Tourette.
Parlons un peu de ton implication au sein de l’équipe Les différents…
Mélanie: Est-ce que le jugement des autres lorsque tu es avec Les différents est quelque chose de préoccupant pour toi ? Peux-tu me donner un exemple concret ?
Mathieu: Le jugement des autres est quelque chose qui nous préoccupe tous un peu, et ce, même si on est à l’aise avec ce que l’on fait et ce que l’on est. Ce serait mentir que d’affirmer le contraire. Et malheureusement, en tant que société, on est peut-être un peu trop rapide sur le jugement… Mais est-ce que je suis à l’aise avec ma gang ? Oui. Complètement. On fait d’ailleurs plusieurs sorties avec “nos jeunes” et comme tout le monde, on prend l’autobus et on entre par la porte d’en avant. On ne les cache pas. Mais soyons sincères, le jugement des autres envers les personnes ayant une déficience sera toujours présent et c’est quelque chose qui m’affecte beaucoup. Si une personne a un regard/commentaire gratuit envers l’un de “mes gars” et que je suis un peu fatigué, je ne me gênerai pas pour lui montrer mon désaccord et lui dire ma façon de penser. Je suis et serai toujours contre la méchanceté gratuite. Que ce soit envers une personne handicapée, une personne âgée ou autre, c’est quelque chose qui vient me chercher profondément. Je ne comprends tout simplement pas cette manière d’être ou de faire et je ne vois pas comment il pourrait y avoir de l’humour là-dedans.
Mélanie: Agis-tu de la même façon avec Les différents qu’avec les autres personnes de ton entourage ? Par exemple, si je te rencontre dans la rue avec Les différents, est-ce que les membres de ton équipe verront une différence dans ta façon de te comporter? Bref, es-tu le même avec eux ?
Mathieu: “Mes gars” me connaissent sans doute mieux que n’importe qui, et peut-être un peu plus que moi-même. Parce qu’avec eux, il n’y a que du vrai et du concret. S’ils me font un sourire, il sera sincère et sans aucune arrière-pensée. Avec eux, il n’y a pas de jugements. Moi, j’aime dire que si tout le monde avait une petite déficience, il y aurait sans doute moins de catastrophes dans le monde. Comme je fais cela bénévolement, je n’ai aucune obligation, donc je ne me force pas pour être souriant. Si je leur fais un sourire, c’est qu’il est vrai et ressenti. Des fois, ça arrive qu’ils se sentent moins bien et qu’ils ne veuillent pas sourire et c’est OK comme ça. Ils ont une vie comme tout le monde, avec des hauts et des bas, mais une chose est certaine, c’est qu’on est bien ensemble. Que ce soit en gymnase ou sur la glace, on forme une belle et grande famille, avec nos hauts, nos bas et beaucoup d’authenticité.
Mathieu: Moi, je suis avec l’équipe de hockey Les différents depuis maintenant 10 ans. Étant un OSBL, on est habitué de s’occuper de tout. Quelquefois, on a la chance de recevoir des dons et ça, c’est vraiment apprécié. Merci! Mais je ne me considère pas comme un porte-parole. Mais vraiment pas. On est plusieurs dans ce beau projet; on est, et je me répète, une belle grande famille. Il y a des parents et des frères d’impliqués. Il y a aussi Manu (Emmanuel Auger) et moi… On est une grande famille. Pour ce qui est de mon avenir avec eux, je ne sais réellement pas à quoi m’attendre, car les “jeunes” grandissent et vieillissent. Ils se font des blondes, ils travaillent, etc., donc ils ont inévitablement moins de disponibilités. On a approximativement entre 1 et 2 départs/arrivées (nouveaux) chaque année. On vit avec ces changements; c’est la vie qui continue. Il est évident que j’aimerais que ça dure le plus longtemps possible, mais… Il y a 10 ans, l’équipe se voyait 1 fois par semaine en gymnase – dans un vieux gymnase quasiment abandonné – et aujourd’hui, on se voit 2 fois par semaine: une fois en gymnase (dans un beau grand gymnase) et une fois sur la glace. On a maintenant notre équipe, nos chandails, on fait aussi un match par année contre des membres de l’UDA, on a même notre propre party de Noël. On a beaucoup évolué comme équipe et comme famille, donc quand tu me demandes de me projeter dans l’avenir, c’est un peu difficile pour moi. C’est certain qu’on y va avec nos disponibilités; notre horaire ne nous permet malheureusement pas toujours d’assister à toutes les pratiques/tous les matchs. Mais une chose est certaine: j’aimerais continuer de m’impliquer au sein de Les différents le plus longtemps possible.
Mélanie: Est-ce que devenir porte-parole de La Fondation Véro & Louis [fondation qui offre un milieu de vie adapté aux adultes vivant avec le spectre de l’autisme] ou encore accepter de participer à une publicité avec ton frère, c’est quelque chose qui pourrait être envisageable ?
Mathieu: C’est drôle que tu me demandes cela, car mon frère c’est le plus grand “fan” de Coca-Cola que je connaisse. Il y a eu une publicité récemment d’un grand frère avec son petit frère et je me disais justement que c’est quelque chose qui serait l’fun un jour de vivre avec lui; je me suis reconnu dans la publicité et j’ai aimé ce que je voyais. Par contre, loin de moi l’idée d’envisager de faire des démarches en ce sens, mais si un jour ça nous arrive, je sais que mon frère “triperait”. Pour ce qui est d’être porte-parole, c’est sûr que c’est quelque chose qui me ferait plaisir si j’ai le temps. Si je peux apporter quelque chose de positif à une cause, ça va me faire plaisir. Vraiment.
Mélanie: Qu’est-ce que cette clientèle t’a apporté jusqu’à maintenant comme bénéfice sur le plan personnel ?
Mathieu: Elle m’a apporté beaucoup de choses en fait… Avec ces jeunes, l’important, c’est le moment présent. Ils ne veulent pas savoir ce que tu fais dans la vie et combien tu gagnes par année. Avec eux, la vie est belle (et simple): on joue au hockey et on a du plaisir. On est tous égaux. Nos différences n’existent plus et nos habiletés se valent toutes. On est une belle et grande famille et on a du plaisir. Grâce à eux, j’ai appris ce que le mot responsabilité voulait dire, et j’aime avoir cette responsabilité envers eux. Ils me permettent aussi de garder les 2 pieds sur terre: ils sont authentiques. Vrais. Pour eux, je suis le grand frère; mon côté paternel est en quelque sorte comblé.
Mélanie: Concernant tous les membres de ton équipe de hockey, de quoi es-tu le plus fier jusqu’à maintenant ?
Mathieu: De l’évolution et de l’amélioration de nos “jeunes” et de l’équipe en général. Ils se sont améliorés d’une façon incroyable. On est très fier d’eux. Car même si notre but premier est de s’amuser, le progrès qu’ils ont fait en tant que personne et équipe est spectaculaire. En gros, c’est l’accomplissement et la finalité de tout ce beau projet qui me rend fier. Nos membres ont rarement fait partie d’une équipe de hockey avant d’arriver dans la nôtre, donc c’est une fierté de les voir évoluer et de les voir prendre confiance en eux. On est une famille et on est fier de qui on est ainsi que de la longévité de notre équipe.
Mélanie: Si une personne désire s’impliquer auprès de ton équipe, comment doit-elle procéder ? Est-ce que vous avez un site Internet ? Une page Facebook ?
Mathieu: En fait, Les différents n’ont pas nécessairement besoin de bénévoles… Avec les parents, la famille et les amis, l’équipe est (déjà) bien encadrée et la routine est installée. Mais si vous désirez faire un don, vous pouvez contacter Louise Desaulniers, présidente du Club de hockey Les Différents par courriel ou par téléphone, en composant le 514 918-8714. Et si vous voulez assister au Tournoi des célébrités, je vous conseille de suivre la page Facebook de l’équipe de hockey Les différents – le lien est au bas de l’article.
Mélanie: Donc si je comprends bien, l’équipe Les différents, c’est vous ? Et seulement vous ? Il n’y a pas d’autres équipes ?
Mathieu: C’est ça. Les différents, c’est nous autres. Il n’y a pas d’autres équipes. On est la seule équipe au Québec, donc on joue contre nous-mêmes. On organise par contre un match par année contre quelques membres de l’UDA pour ramasser des fonds; les jeunes vendent des billets et on paye l’équipement et le temps de glace avec cela.
Parlons maintenant d’Alexandre, ton frère…
Mélanie: Pourquoi ta relation avec ton frère Alexandre est aussi fusionnelle ? Comment en êtes-vous arrivés à atteindre un niveau aussi élevé d’amour fraternel réciproque?
Mathieu: C’est une excellente question qui s’explique sans doute par le fait que j’ai toujours été présent pour mon frère, et ce, depuis sa naissance. Même si mon frère a un père, je représente en quelque sorte une figure paternelle à ses yeux. Mais notre relation ne s’explique malheureusement pas; il y a, et il y aura toujours, une belle chimie entre nous deux. Je suis son idole, le plus beau, le plus fort, le… Et quand je prends le temps de m’arrêter et d’y penser, je me dis que je suis chanceux que ce soit ainsi. Et une chance que c’est comme ça. Rares sont ceux qui pourront vivre un amour aussi pur que le nôtre. Alexandre m’a toujours fait confiance, il a toujours cru en moi. Mon opinion est quelque chose qui compte beaucoup pour lui. Quand je suis avec lui, je n’ai pas besoin de répéter, car il comprend tout et tout de suite. Quand je vais le voir chez ma mère et qu’on s’installe sur le divan pour regarder la télévision, qu’il se colle près de moi et qu’il s’apaise, ça fait du bien: il se sent rassuré et en sécurité. Il est bien. La vie est belle. Tout va bien.
Le plus merveilleux dans tout cela, c’est que l’amour qu’Alexandre a pour moi est inné: personne ne lui a dit à l’école qu’il devait faire cela ou agir ainsi. C’est tout simplement naturel pour lui. Et notre relation sera toujours aussi belle, j’en suis convaincu. LA photo qui représente le mieux notre relation est sans aucun doute celle de la vente de garage. Cette photo vaut de l’or pour moi, tout comme mon frère d’ailleurs. J’ai, depuis plusieurs années déjà, le portrait d’Alexandre de gravé sur le torse et il sera toujours là, près de moi, et ça, Alexandre le sait.
Mélanie: Quelle est LA chose la plus importante qu’Alexandre t’ait apprise au fil des années ?
Mathieu: Il m’a appris à apprécier les petites choses de la vie. Comme c’est justement le cas avec le gâteau au fromage. Mon frère adore le gâteau au fromage. Dès qu’il en mange, il est heureux. C’est comme si on venait de lui offrir le plus formidable des cadeaux. Ça lui prend peu de choses pour être heureux et je trouve ça magnifique. C’est pur !
Si tu savais tout ce qu’il m’apporte, c’est fou.
Mélanie: Quelle est LA chose qui te fait sourire à tous les coups lorsque tu penses à Alexandre ?
Mathieu: Juste de penser à lui et à la manière qu’il a de me regarder me fait sourire. Je pense à lui et ça me fait du bien. [ Mathieu sourit ] Alexandre m’apporte beaucoup de sérénité. Lorsque je vais le chercher à la Maison de l’autisme, qu’il entre dans l’auto et qu’il me fait un “gros smile”, la sensation que je ressens est indescriptible. Ma journée ne peut pas faire autrement que de bien aller. C’est puissant.
Mélanie: Quelle est LA chose qui te rend le plus triste lorsque tu penses à Alexandre ?
Mathieu: Quand je pense à son futur et à son avenir. Quand ma mère pense au jour où elle ne sera plus capable de s’occuper de mon frère. Même si on essaye de ne pas trop y penser, c’est une chose à laquelle on pense toujours un peu.
Mais ce qui me rend encore plus triste, c’est de voir des enfants venir au monde avec un handicap alors qu’ils n’ont rien demandé à la vie. Ça me frustre. Non, ça me fâche. Ça vient vraiment me chercher. Pour moi, la vie c’est comme un tableau de jeux vidéo, sauf que les joueurs ne commenceront pas tous la partie à zéro: certains sont avantagés dès le départ alors que d’autres entament la partie avec beaucoup trop de retard.
Pourquoi, moi, j’aurais la chance d’avoir une vie extraordinaire, de vivre plein de choses, de rencontrer plein de personnes, de connaître plein de belles expériences alors que mon frère, lui, n’aura jamais cette chance ? C’est injuste. Sauf qu’en même temps, je me console, car je sais que mon frère n’a pas conscience de cette réalité-là. Ce qui est une très bonne chose.
Mélanie: Quelle est LA chose qui te rend le plus nerveux lorsque tu penses à Alexandre ?
Mathieu: La méchanceté gratuite des gens, assurément. Et les imbéciles en général. Savoir que quelqu’un pourrait se servir de la naïveté de mon frère me rend malade – il y a tellement d’imbéciles dans notre société… Même si ma mère est une sainte, j’ai toujours cette petite crainte qui m’habite au plus profond de moi. Si quelque chose devait lui arriver, il est clair que je m’en irais en prison. C’est clair.
Mélanie: Quel est ton vœu le plus cher quant à l’avenir d’Alexandre ?
Mathieu: J’aimerais que mon frère conserve sa joie de vivre encore longtemps, et pour toujours. Qu’il soit mis à l’écart des petits et gros malheurs de notre société tels que la guerre, les maladies, etc. Qu’il soit le plus heureux possible et qu’il ne manque jamais de rien.
Et si on parlait tout simplement de toi, de ta vision et de ton opinion maintenant ?!
Mélanie: Quel est ton vœu le plus cher quant à la réalité des personnes atteintes de déficience intellectuelle ?
Mathieu: En fait, mon vœu le plus cher serait qu’elles soient les bienvenues partout. Et je ne parle pas ici d’équipement adapté, de rampes d’accès, etc. Mon rêve le plus fou serait qu’il existe des villes entières avec des gens comme eux, dans lesquelles les policiers seraient remplacés par des éducateurs. Qu’ils puissent aller faire leur épicerie tous ensemble sans se faire dévisager ou juger. Qu’ils puissent avoir un endroit à eux dans lequel, pour une fois, ce serait nous autres “les différents”.
Mélanie: En quoi es-tu toi aussi différent « des autres » ?
Mathieu: Je ne sais pas en quoi je suis différent, il faudrait que tu le demandes à mes amis. Mais je peux essayer de te dire comment moi, je me perçois. Même si je trouve vantard de s’autodécrire…
[ Mathieu hésite et prend le temps de réfléchir à la question ]
Je me considère comme quelqu’un:
- de vrai.
- avec une très bonne écoute.
- de généreux. J’aime donner, encore plus que de recevoir, et je trouve ça important de le faire de la façon la plus sincère possible: sans rien attendre en retour.
- d’intense: quand j’aime, j’aime vraiment, mais quand je n’aime pas, je n’aime tout simplement pas.
- de compréhensif: mon vécu, ainsi que mes nombreux changements d’école, m’ont d’ailleurs outillé en ce sens. Grâce à mes déménagements, j’ai eu la chance de côtoyer plusieurs mentalités et nationalités différentes; que ce soit en Europe, à St-Henri (dans une école très pauvre) ou à Rosemère (au Collège privé). Je dois en outre la plupart de mes apprentissages à ces différentes mentalités/nationalités, et non aux livres.
- de disponible.
Je suis également une personne qui:
- a besoin de nouveaux défis.
- n’a jamais eu de routine dans sa vie et c’est encore vrai aujourd’hui. Même si je crois aux bénéfices d’une bonne routine pour certaines occasions, c’est quelque chose avec quoi j’ai beaucoup de difficulté.
Bref, je ne sais pas réellement en quoi je suis différent, mais je pense être une bonne personne. Je ne me considère pas meilleur qu’un autre, je ne suis pas plus beau qu’un autre, je ne suis pas plus fin qu’un autre. Je suis moi et j’aime que les gens autour de moi soient bien et qu’ils rient; ça ne coûte rien et ça fait tellement de bien.
Mélanie: Un peu plus haut, tu me parlais de tes inquiétudes face à l’avenir de ton frère lorsque ta mère ne sera plus capable de s’en occuper. Est-ce que tu crois qu’un jour tu pourrais, par exemple, créer La Fondation Mathieu Baron ?
Mathieu: Ce serait effectivement un très beau projet à venir, mais je ne pourrais pas vraiment m’avancer davantage. Dans les 2 dernières années, les choses ont évolué rapidement et positivement pour moi et je compte garder cela ainsi encore longtemps. Mais c’est un projet qui est tout à fait possible. Oui. Et le projet est fantastique. Par contre, si un jour j’ai ma propre fondation, ce sera quelque chose de réfléchi. Je vais déjà, avant même que le projet se concrétise, avoir une équipe derrière et avec moi. Mais c’est quelque chose qui est tout à fait possible et que j’aimerais bien faire, mais est-ce que ça se réalisera ? L’avenir nous le dira.
Mélanie: Merci Mathieu pour ce beau témoignage. C’est toujours un réel plaisir pour moi de t’entendre parler de ton frère et de l’équipe de hockey Les différents. 😉 Merci de donner de la visibilité à ces personnes et de prendre la parole en leur nom.
Pour voir la liste des ressources disponibles, et peut-être même vous impliquer, consultez le site Internet de la Fédération québécoise de l’autisme.
Pour en savoir un peu plus sur l’équipe de hockey Les différents, cliquez ici. Pour en savoir un peu plus sur Les différents le documentaire, cliquez ici.
Pour encourager l’équipe de hockey Les différents, et l’aider dans ses activités de financement, je vous conseille d’assister au Tournoi des célébrités qui aura lieu le 19 mars prochain au Complexe Sportif Guimond de Laval situé au 4355 Autoroute (440) Laval Ouest, QC, H7P 4W6. Le tournoi débutera à 13 h et se terminera vers 15 h. Les billets seront disponibles à l’entrée du Complexe Sportif le jour de l’événement. Coût du billet: 10 $ / personne; GRATUIT pour les personnes ayant une déficience intellectuelle.